Brigades sapeurs-pompiers autochtones protègent l’Amazonie

Alors que des millions d’hectares de forêt amazonienne brésilienne disparaissent sous des flammes dévastatrices, un réseau de brigades sapeurs pompiers amazonie s’élève comme une réponse urgente. Composées de volontaires et de membres des communautés autochtones du Réseau de brigades du Bas-Tapajós, ces équipes luttent au cœur de la réserve Resex Tapajós-Arapiuns, menacée par des feux récurrents – comme celui de 2015 qui a détruit 45 000 hectares. À bord du bateau « Janderson Felipe », elles sillonnent les villages pour prévenir les départs de feu, mêlant savoirs traditionnels et techniques modernes, tout en confrontant les défis de la logistique fluviale et des sécheresses exacerbées par le changement climatique.

Au cœur de l'Amazonie, la naissance d'une initiative communautaire

À 6h15, le bateau Janderson Felipe glisse sur les eaux brunes de la rivière Tapajós, au cœur de la Réserve extractiviste Tapajós-Arapiuns. À son bord, Janderson Felipe et ses compagnons entament une tournée cruciale : prévenir les incendies dans une région menacée par les flammes. Cette réserve, gérée par l’ICMBio, s’étend sur 647 611 hectares de forêt dense, abritant 18 291 habitants répartis en 64 villages.

Depuis les feux dévastateurs de 1998, 2010 et 2015 – le dernier ayant ravagé 45 000 hectares –, la menace pèse chaque année. Le feu, utilisé dans les cultures de brûlis et parfois détourné pour l’accaparement de terres, exige une réponse locale. Les brigades de sapeurs-pompiers, composées de volontaires autochtones et d’habitants formés, sillonnent les communautés. Leur mission : sensibiliser sans interdire, rappeler les pratiques ancestrales maîtrisées.

À Cabeceiro do Amorim, Maria-Alice Bizam, agent de l’ICMBio, interroge les riverains sur leurs souvenirs d’incendies. Tainan Kumaruara, brigadière autochtone, souligne l’enjeu : « Le feu est notre allié, mais il faut l’apprivoiser ». Dans une région où 45 % des habitants ont une éducation limitée à la troisième année, la pédagogie s’adapte aux réalités sociales et culturelles. Ces brigades, nées d’une collaboration inédite entre communautés et institutions, incarnent une lutte concrète contre la dégradation de la forêt. Elles transforment des savoirs locaux en bouclier contre une menace grandissante.

Qui sont les brigadistas, ces sentinelles de la forêt ?

Une alliance de volontaires et de communautés autochtones

Le réseau des brigadistas incarne une mobilisation locale et autochtone pour protéger la forêt. Composé de volontaires, de membres communautaires et d’individus issus des peuples premiers, ce dispositif s’ancre dans la Réserve extractiviste Tapajós-Arapiuns. Le Réseau de brigades du Bas-Tapajós illustre cette initiative, où des agents comme Maria-Alice Bizam, de l’ICMBio, collaborent avec les riverains pour prévenir les risques. Leur force réside dans une connaissance intime du territoire, transmise de génération en génération. Ces brigades incluent des autochtones comme les Kumaruara, dont le lien avec la nature est spirituel, symbolisé par leur art corporel inspiré de la chauve-souris et de la graine de kumaru, liée à la guérison et l’équilibre écologique. Depuis 2024, leur programme de Gardiens de la Forêt mobilise 32 membres, formés pour surveiller les activités illégales et sensibiliser les habitants. Leur travail s’inscrit dans un contexte de lutte contre la déforestation, avec un soutien de partenaires comme Treesistance.

Prévenir avant de combattre : la mission principale

Les brigades concentrent leurs efforts sur la prévention, surtout pendant la saison sèche. Leur rôle dépasse l’extinction des feux : elles sillonnent les communautés à bord du bateau Janderson Felipe pour éduquer et sensibiliser. Dans des lieux comme Cabeceiro do Amorim, des réunions permettent d’échanger sur les pratiques de gestion du feu, essentiel au quotidien des habitants (cuisine, cultures). Si des feux comme ceux de 2015 ont marqué les esprits – un quart de la réserve, soit plus de 45 000 hectares, a été détruit –, les brigadistas ne visent pas à interdire cette tradition, mais à éviter qu’elle ne dégénère. Leur approche s’inspire des brûlis contrôlés, menés en mai au début de la saison sèche, qui réduisent les risques en épuisant les combustibles de manière lente et sûre. Ces méthodes, combinées à des outils numériques comme l’application Sisfogo, permettent de cartographier les zones sensibles et de coordonner les interventions. Le gouvernement brésilien, sous Lula, soutient ces initiatives en expulsant les colons illégaux et en renforçant la protection des territoires indigènes, cruciale pour préserver l’Amazonie.

Le dialogue au service de la prévention des incendies

Des tournées de sensibilisation au fil de l’eau

À 6h15, le bateau Janderson Felipe remonte la rivière Tapajós, transportant brigadistas et agents de l’ICMBio vers Cabeceiro do Amorim. Maria-Alice Bizam, agente de l’institut Chico Mendes, lance les discussions en évoquant les feux de 1998, 2010 et surtout 2015, où 45 000 hectares de la réserve ont été détruits. « Ces souvenirs montrent l’urgence », insiste-t-elle, tandis que les brigadistas partagent leurs propres récits de brûlis mal maîtrisés.

Les équipes enseignent des méthodes concrètes : creuser des tranchées, utiliser des branches humides pour contenir les flammes. « Ces savoirs locaux doivent s’adapter », souligne Maria-Alice, distribuant des dépliants illustrés. Les habitants apprennent à créer des pare-feu et à surveiller les risques liés au vent ou à la sécheresse. Le bateau sillonne les communautés sur 1 200 000 hectares, incluant des terres indigènes comme Maró ou Cobra Grande, pour des missions d’une semaine.

Le feu, un outil ancestral à maîtriser

Pour Tainan Kumaruara, brigadière autochtone, le feu reste essentiel : « Nos cultures sur brûlis nourrissent les familles, mais un oubli peut tout détruire. » Les brigades montrent comment fertiliser les sols avec des cendres ou contrôler les flammes via des brûlis froids en début de saison humide. « Ces gestes, transmis par les aînés, doivent évoluer avec les défis d’aujourd’hui », ajoute-t-elle.

Les outils modernes complètent ces pratiques : drones pour repérer les foyers, applis de géolocalisation pour signaler les risques. « Ces technologies renforcent nos connaissances, elles ne les remplacent pas », précise Tainan. Lors d’une démonstration, un jeune utilise une tablette pour cartographier les zones défrichées, tandis qu’un aîné rappelle les signes d’un feu incontrôlable. Face aux défis climatiques, les habitants deviennent des alliés de la forêt. « Protéger la réserve, c’est protéger notre avenir », conclut-elle, alors que le bateau s’éloigne, laissant une communauté mieux armée contre les incendies.

Formation et défis : le quotidien des pompiers de la jungle

Se former pour protéger : des compétences spécifiques à la forêt

Les brigades de sapeurs-pompiers amazoniens, formés par l’ICMBio dans la réserve Resex Tapajós-Arapiuns, apprennent des techniques adaptées à la forêt dense : création de pare-feux, gestion du feu en terrain accidenté, ou utilisation de motopompes pour les feux de sous-bois. Leur entraînement inclut aussi la construction de « drailles », des lignes déboisées pour bloquer les flammes, et la stratégie de « Manejo Integrado do Fogo », axée sur la prévention.

Les candidats passent des tests physiques et manipulent des outils agricoles pour dégager les sols. Les brigades locales collaborent avec des unités spécialisées comme la « Brigada Pronto Emprego », déployée sur tout le territoire brésilien. Cette approche mêle savoirs traditionnels des communautés et techniques modernes pour éviter les départs de feu, sans interdire l’usage rituel du brûlis.

Les défis logistiques au cœur de l’Amazonie

Les brigadistas affrontent des obstacles géographiques majeurs. Dans la Resex, les déplacements se font par bateau, comme le Janderson Felipe sur la rivière Tapajós, mais les variations saisonnières du niveau de l’eau compliquent les interventions. Le transport du matériel (pare-feux, extincteurs) sur des centaines de kilomètres reste un défi, souvent limité aux voies fluviales ou aériennes coûteuses.

La coordination entre équipes dispersées est cruciale. Des réunions avec les habitants, comme à Cabeceiro do Amorim, permettent d’anticiper les risques en combinant expertise locale et méthodes modernes. Ces efforts visent à éviter des drames comme le feu de 2015, qui a détruit 45 000 hectares de la réserve. Malgré ces difficultés, les brigades s’adaptent pour protéger un écosystème fragile, avec un matériel limité et des ressources humaines mobilisées en urgence.

Un modèle de résilience fondé sur le savoir ancestral

Les brigades de sapeurs-pompiers autochtones en Amazonie brésilienne incarnent une réponse innovante aux feux de forêt. Leur force réside dans l’union entre l’expertise des communautés locales et le soutien institutionnel de l’ICMBio.

Dans la réserve de Resex Tapajós-Arapiuns, Janderson Felipe sillonne la rivière à l’aube, alertant les habitants. Ces patrouilles ne visent pas à interdire l’usage ancestral du feu, mais à prévenir les départs accidentels. Maria-Alice Bizam, agent de l’ICMBio, recueille les mémoires locales pour adapter les stratégies.

Le modèle s’inspire des pratiques australiennes : des brûlages contrôlés, hérités des Aborigènes, ont été adoptés dès 2013. En Roraima, six brigades, issues des TI Raposa Serra do Sol et autres territoires, appliquent ces méthodes, combinant connaissances traditionnelles et formations techniques de l’IBAMA.

Ces « gardiens de la forêt » ne luttent pas seulement contre les flammes. Ils protègent leur mode de vie face aux sécheresses et menaces extérieures. Leur rôle dépasse la prévention : il préserve un héritage culturel et réduit les risques climatiques pour les générations futures.

Dans la réserve Resex Tapajós-Arapiuns, brigadistas volontaires et autochtones unissent savoir ancestral et soutien de l’ICMBio pour prévenir les incendies. Gardiens d’un équilibre fragile, ils transforment le feu en force maîtrisée, protégeant forêt et modes de vie tout en surmontant des défis logistiques. Leur lutte incarne une résilience communautaire face aux flammes et aux abus.

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